Mucoviscidose

Mucoviscidose, scientisme et eugénisme

J’apprends sur un groupe Facebook qu’il existe en Afrique des mutilations et meurtres rituels d’enfants albinos. Quelqu’un fait remarquer qu’il s’agit de « superstitions locales ». Je trouve ce commentaire profondément raciste et je le fais donc remarquer, on me renvoie que c’est moi qui suis raciste, ayant utilisé le terme « peuple primitif » pour leur montrer ce que « superstitions locales » pouvait renvoyer à des Africains. Drame de ma vie, je n’ai encore une fois pas été comprise, comme tant d’autres ici bas. On me prête des intentions qui ne sont pas les miennes, c’est hyper blessant.

Et tout cela me fait donc réfléchir à notre maladie occidentale néocolonialiste, qui voit toujours la paille dans l’oeil de son voisin plutôt que la poutre dans la sienne. N’avons pas, nous non plus, de « superstitions locales », selon le point de vue duquel on se place?

Ce qui m’amène à une réflexion sur le scientisme, un mal profond de notre société occidentale. Le scientisme, c’est croire que la « science » est la « vérité », qu’elle est exempte de biais, de manipulations,… Et ne plus douter, ne plus utiliser son esprit critique.

« Dubito ergo sum, je doute donc je suis », avait théorisé Descartes.

N’est-ce pas une « superstition locale » qui conduit à des mutilations et aux meurtres d’enfants dans les pays occidentaux? Pourquoi les enfants porteurs de handicap n’auraient pas le droit de vivre? De quoi avons-nous peur? Comment des médecins peuvent dire à des parents qui choisissent de renoncer à l’IMG que leur enfant « aura une vie horrible et qu’il vaudrait mieux renoncer plutôt que de le voir souffrir »?

Entendons-nous bien, je ne critique pas les personnes qui ont recours à l’IMG, ce que je critique c’est le validisme de notre société, qui tendrait à penser que seules les personnes valides méritent de vivre. Malgré ma mucoviscidose, toutes les souffrances et les épreuves de la vie, pas un instant je ne voudrais qu’on m’ait empêchée de naître. Qui peut décider à l’avance de ce qu’un être humain sera capable d’endurer ou non?

Je vous partage cette très belle réflexion de Johann Heuchel, mort en 1992 de la mucoviscidose à l’âge de 21 ans. Ce mec est inspirant.

« Voilà que l’on peut diagnostiquer la maladie chez le foetus, à temps pour faire une IVG. Voilà que, dans dix ans, l’on vaincra la mucoviscidose en prenant un petit comprimé bourré de la molécule manquante qui rend anormale le transport du chlore dans nos cellules. Voilà que les mucos disparaissent. La génération perdue. Ceux qui naissaient en 1960 mourraient, en moyenne, à deux ans. Ceux de 1990 mourront dans le ventre de leur mère, grâce à l’IVG. Ceux de 1980 verront l’évolution de la maladie stoppée par le remède miracle. Ceux de 1970 devront être greffés pour survivre quelques années de plus, partagés entre l’hôpital et la maison.
Et pourtant, même s’il y a des moments pénibles, je veux vivre cette vie ! Je le veux plus que tout ! Une fois tous les mucos morts et ceux à venir avortés : problème résolu.
Le journaliste : « Il n’y a plus aucun malade mucoviscidosique. La maladie est donc vaincue ? N’est-ce pas , docteur ? »
Le docteur : « Oui, ils sont morts et nous tuons les nouveaux nés. La mucoviscidose est morte. »
Imaginez Schwartzenberg dire : « Le cancer est vaincu. Désormais tous les malades sont brûlés dès le diagnostic fait. »
Non, j’espère que des gens renonceront à l’IVG et prendront le risque de voir mourir leur enfant parce que c’est la seule façon courageuse et noble d’affronter la fatalité. C’est la seul façon décente de vaincre la maladie : en prolongeant la vie et non en la détruisant avant qu’elle ne le fasse.
Nous sommes la génération perdue, rats de laboratoire pensants, où la science tente de comprendre les anomalies de la vie. Mais si le remède miracle est trouvé et que, malgré cela, l’on avorte les mucoviscidosiques, alors l’humanité aura perdu un combat et nous seront vraiment perdus. Ayant vécu pour rien. Une vie à la dérive du temps. »

Nous sommes, depuis le siècle des Lumières, devenus complètement déconnectés de la Nature. Nous cherchons à la dominer, la maîtriser. Nous jouons aux apprentis sorciers. Le retour de bâton sera sévère. Il l’est déjà.

Selon Descartes : “Les bêtes n’ont pas seulement moins de raison que les hommes, elles n’en ont point du tout”.

Vous remarquerez que j’ai cité deux fois Descartes. Il a dit le pire comme le meilleur et a fait beaucoup de mal avec ses idées scientistes.

Sans les progrès de la science et plus particulièrement de la médecine, je ne serais plus de ce monde. Mais peut-on tout faire au nom de la sacro-sainte « science »? Lorsque j’étais enceinte, j’étais terrorisée par le fait d’avoir un enfant handicapé. S’occuper d’un enfant est fatigant, qui plus est d’un enfant handicapé quand on est soi-même malade. Il est possible que j’aurais eu recours à l’avortement, je ne sais pas, difficile de savoir ce qu’on ferait en pareille situation. J’étais notamment terrorisée par le fait que la médecine était désormais capable de sauver des enfants de 300g, ce qui aurait forcément des conséquences dramatiques sur la vie de cet enfant et par conséquent sur la mienne.

Nous n’acceptons plus la mort ni la souffrance, ce qui paradoxalement nous conduit à sauver des foetus qui n’auraient pas dû vivre et tuer des enfants tout à fait viables. Dramatique.

2 réflexions au sujet de “Mucoviscidose, scientisme et eugénisme”

  1. Cela me rappelle une histoire que m’a rapportée ma soeur. Une femme se savait porteuse de « la maladie bleue » qu’elle ne voulait pas transmettre à ses enfants. Elle a donc décidé d’adopter un enfant… qui s’est révélé lui aussi avoir la maladie bleue…. Il y a certains choses que nous avons choisi d’affronter en venant sur terre, sans doute pour une bonne raison.

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